Atelier d’automne LIEN DE LA VIGNE 2015

Thème 2015-2016 : « Définition, analyse et pilotage de la qualité des vins ».

Nouveaux outils et nouveaux indicateurs de caractérisation de la qualité depuis le raisin jusqu’au vin.

Intégration dans une chaine de décision permettant de répondre aux objectifs produits.

Lieu et date :
Salle IFV – CNIV – 12 rue Ste Anne Paris
Vendredi 27 novembre 2015

Présents : Gomes Anna Catarina (Biocant, Portugal, par Skype),Lambert Nathalie et LemaireDamien (CEA Tech, France) ; Perry Julie (CIVC) ; Dubernet Matthieu (Dioenos RhôneLaboratoires Dubernet) ; Ayral Jean-Luc et Cerovic Zoran (Force A, France) ; Payen Sébastien(Fuition Sciences, USA) ; Escudier Jean-Louis (Inra Pech Rouge, France) ; Pascal Noilet, CorinneDelpy (Vaslin Bucher, France) ; Saenz-Navajas Maria Pilar (Université de Saragosse, Espagne).

Comité de Pilotage : Chatin Amélie, Mercier Laurence et Chaperon Vincent (MHCS, France),Brayer Gaëlle (Lime, France) ; Meurgues Odile (BIVB, France, par Skype) ; Boulay Michel (Liende la Vigne).Lien de la Vigne: Mégnin Jean-Pierre et Asselin Christian (Union des œnologues, France)

Absents excusés : Caillet Marie-Madeleine (Union des œnologues, Comité de Pilotage, France) ; Charpentier Claudine (Comité de Pilotage, France), Jourjon Frédérique (ESA Angers, Comité dePilotage, France), Ferrante Stefano (Société Zonin, Comité de pilotage, Italie).

Introduction (Chaperon Vincent)

Définition, analyse et pilotage de la qualité des vins est le thème annuel de travail qui a été défini par le bureau de Lien de la Vigne fin 2014. Suite à cette décision, un Comité de pilotage a été créé et une enquête internationale a été lancée sur ce large sujet. L’étude sera présentée lors de l’assemblée générale de Lien de la Vigne (début avril2016). L’objectif de cet atelier qui fait suite à l’enquête est de préciser les priorités à établirdans le thème et de focaliser sur les pistes à approfondir : points à travailler sur l’enquête, collaborations à établir, priorités et recommandations à définir.

Présentation des sociétés présentes :

Biocant : Société de Biotechnologies qui développe des bio-marqueurs en santé et maladies humaines et pour les plantes.

CEA Tech : société de technologie qui va de la conception et de la réalisation de capteurs à l’analyse de données et à la création de « Smart Data » ou données intelligentes. La société peut apporter des briques technologiques à la filière vin.

Dioenos Rhône, Laboratoire Dubernet: elle est composée d’un ensemble de laboratoires d’analyses œnologiques (Narbonne, Orange, etc.) après la privatisation des laboratoires d’analyse d’Inter-Rhône) et apporte aide et conseils aux viticulteurs et aux caves.

Force A : Développe et utilise une famille de capteurs optiques pour analyser la physiologie dela vigne, tant au niveau du feuillage qu’à celui de la grappe.

Fuition Sciences : Développe des outils d’aide à la décision (OAD) et analyse des données.

INRA Pech-Rouge : Centre de recherche et de développement en œnologie allant jusqu’à l’échelle semi-pilote.

LIME : société de conseil / Innovation en agroalimentaire.

MHCS: Moët Hennessy Champagne Service. Société regroupe les activités champagne du groupe de luxe LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy).

Vaslin Bucher : Société de conception, de développement et de fabrication de procédés et équipements destinés à la transformation du raisin en vin.

Premier bilan chiffré de la consultation

Elle a été très large puisqu’elle recouvrait un domaine allant du capteur jusqu’à la solution complètement intégrée. La préparation de l’enquête internationale a consisté en la création d’un Comité de pilotage, la rédaction de deux questionnaires, l’un à destination des scientifiques, l’autre des professionnels. Les questionnaires étaient disponibles en français,anglaise et espagnol. Une plateforme Google drive a été ensuite mise en place pour permettre notamment une réponse en ligne aux questionnaires et une visualisation des réponses en temps réel par l’ensemble du Comité de pilotage. L’enquête a été lancée par courriels en juillet avec relance en automne et élargissement aux répondants de l’enquête 2014 de Lien de la Vigne (réduction des intrants).

Une première analyse montre que les questionnaires ont été envoyés en direct à près de 379 personnes (201 scientifiques et 178 professionnels), mais également diffusée par mailing à plus de 1000 personnes de la filière vitivinicole (Union des Œnologues de France, BIVC,…). 82répondants ont retourné les questionnaires (23 scientifiques et 59 professionnels), soit un taux légèrement supérieur à 20% des envois spécifiques, ce qui est correct pour une enquête de ce genre. Cependant l’aspect international des réponses est faible, la majeure partie des répondants étant français : nécessité de renforcer ce volet.

Le collège de Professionnels a plus répondu que celui des scientifiques, notamment de Bourgogne et du Languedoc-Roussillon. Cependant la différenciation entre les deux collèges est difficile, et en fonction des métiers de chacun, des acteurs importants de la recherche privée ont répondu au questionnaire « Professionnel », d’autres au « Scientifique ». Au final, les acteurs ayant une activité « Recherche » représentent 23% des répondants.

Répartition géographique des répondants au 27/11/2015.
Répartition professionnelle des répondants au 27/11/2015

Les questionnaires de type guides d’entretien conduisent à un travail qualitatif qui ne peut être représentatif. Ils permettent de faire un point sur l’ensemble des pratiques, méthodes,analyses, pilotage des personnes interviewées.

D’une façon générale, la qualité des réponses aux questions a aussi été très variable avec peu de références à des techniques innovantes.

Table ronde : Les attentes des professionnels pour caractériser la qualité

Quelle définition de la qualité ?
Les enjeux de l’œnologie ?
Les techniques de caractérisation à améliorer ?

Quelques retours de l’enquête autour de la définition de la qualité

L’analyse des réponses a montré que la notion de qualité n’était pas un concept bien défini parmi les répondants ; elle est multidimensionnelle, avec des approches techniques (analyses,réponse à des normes, certification, sécurité….) ou hédoniques (goût, personnalité…). Plusieurs aspects peuvent apparaître : le profil d’un vin, la non qualité, des enjeux œnologiques, des techniques de caractérisations des produits à améliorer. La qualité peut ainsi se définir par rapport aux attentes des consommateurs ou par rapport au profil du terroir.

La discussion insiste sur le fait que l’une des qualités du vin est la diversité et que la qualité ne doit pas être comprise comme une standardisation des produits : il ne faut pas tomber dans la caricature. Certains ont voulu rapprocher la qualité d’un absolu ; c’est avant tout une personnalité.

Les études interculturelles peuvent permettre de définir un produit pour un type de consommateur dans un pays ou une région du monde donnée (mode, goût, consommateur).

La qualité est aussi une notion industrielle qui inclut la notion de temps (durée / répétabilité). Le temps impacte les produit (évolution du vin – conservation) mais aussi les tendances(attentes client)

V. Chaperon indique qu’en œnologie il peut y avoir deux approches :

  • Approche poussée : élaboration d’un produit répondant aux attentes du consommateur
  • Approche tirée : élaboration du produit selon les caractéristiques définies par l’œnologue, qui peut aller jusqu’à éduquer le consommateur à son produit, et le consommateur le goûte.

Pour cette deuxième approche, notamment, il y a nécessité de pouvoir répéter le style du vin que l’on a produit (fiabilité / pérennité / constance). Dans tous les cas, et même si le produit est singulier, il est nécessaire de le qualifier et d’être capable de la caractériser.

Une troisième voie pourrait être en flux poussé /tiré : qualifier le process qui permet de mener à telle ou telle rencontre avec le consommateur.

La qualité, selon le type d’approche choisie, peut ainsi avoir pour objet de doter le producteur d’outils pour l’aider à :

  • Elaborer son vin, à définir son style et à contrôler sa qualité (le produit répond-t-il aux spécifications ?).
  • Caractériser les clients finaux (réseaux sociaux, Internet, approche de type Big Data ou métadonnées/mégadonnées pour caractériser les signaux faibles).

J-L. Escudier fait remarquer que la qualité d’un vin peut aussi résider en l’élimination ou en l’absence de défauts potentiels. La maîtrise des défauts est essentielle en œnologie(réduction, oxydation, volatils, lactique, moisis, etc.) ; elle et a beaucoup progressé ses dernières années.

D’une manière générale et dans un contexte de qualité grandissante, on observe une baisse relative de la qualité ressentie alors que les vins présentent beaucoup moins de défauts qu’avant.

De nouveaux challenges apparaissent et pourraient engendrer l’apparition de nouveaux défauts :

  • changement climatique (chaleurs plus importantes / équilibres alcool – tannins…).),
  • moindre destruction / recyclage des vins,
  • bio / naturel….

Le problème qui se pose est alors la définition du défaut. Un caractère donné peut être un défaut pour un vin et une caractéristique pour un autre. Par exemple, les levures Brettanomyces qui produisent des odeurs phénolées sont de nos jours classées comme produisant des défauts alors qu’autrefois on considérait qu’elles correspondaient à une expression du terroir.

M. Boulay souligne que l’assemblage permet de gagner en qualité, mais il faut savoir quels sont les défauts qui ne supportent pas l’assemblage : quid des interactions entre molécules / phénomènes de masquage – démasquage.

Il existe une notion de seuil de perception / d’acceptabilité : à partir de quand le caractère perçu devient-il un défaut ? Faut-il s’exprimer en ratio en fonction des autres composés présents dans la matrice plus qu’en teneurs ? Peut-on identifier les composants qui agissent en interaction avec d’autres molécules et nos percepteurs ? Nécessité d’identifier les sources des défauts et de mettre en œuvre des procédés pour diminuer le défaut sous son seuil d’acceptabilité.

En outre, la maîtrise des défauts impose de disposer d’outils pour les évaluer ou les traiter. Les analyses des laboratoires visent avant tout à les évaluer ; par contre l’appréciation et la description de la qualité en relief (notes hédoniques positives) est beaucoup plus difficile. Le défaut peut se traiter par les analyses de corrélations au niveau du process. Il est ainsi possible de déterminer qu’un vin a un défaut si un ensemble de dégustateurs le reconnait, le consensus est plus difficile à obtenir pour la qualité en relief.

De plus les différentes attentes marché / consommateur peuvent être difficiles à concilier,comme par exemple produire un vin de garde, mais également prêt à boire dans les deux ans.C’est un sujet complexe, important dans le cadre d’une globalisation de la consommation, qui peut amener de mauvais choix en termes de dates de récolte.

Le machinisme agricole des 20 dernières années a eu la même approche avec l’objectif d’améliorer la qualité en diminuant les défauts : amélioration de l’hygiène avec l’inox,amélioration des machines à vendanger pour limiter les arômes végétaux,… Le vigneron, parses choix influe sur la qualité : date de cueillette, tri plus ou moins poussé,…..C. Assellin souligne l’importance de la matière première. La vinification, quels que soient les outils ne gommera pas la non qualité initiale du raisin.

L’écophysiologie de la vigne est donc aussi un aspect à prendre en compte car il représente un ensemble de données qui impactent la qualité du raisin et qui doivent être mesurées.

La notion de vin de garde est aussi soulignée. Elle nécessite une évolution positive du produit dans le temps (tanins, acidité, etc.).

Pour S. Pay en, il faut partir de la mesure qualitative pour apprécier la caractéristique d’un produit (le meilleur capteur reste le palais) mais la qualification de la mesure nécessite d’avoir beaucoup de données (recherche de signaux faibles) et des données de qualité. Sans mesure, pas de qualification possible et ce qui ne se mesure pas ne s’améliore pas.

La qualité est donc un concept relativement large, qui demanderait peut être une approche de type floue nous recommande N. Lambert avec une approche IA (Intelligence artificielle).

La notion de qualité va aussi de pair avec ce que souhaite produire le viticulteur. Il a désormais accès à des techniques révolutionnaires mais doit aussi faire face à de nouveaux challenges de qualité (sans être exhaustif) avec les différents types de changement climatique, social, économique (il faut tout vendre), réglementaire, etc.

La réglementation est également importante : elle régit pour partie, mais limite aussi le contrôle de la qualité, cahier des charges (CdC)… La dénomination vin « naturel » est interdite.

Il existe un mur juridique pour accompagner l’innovation en France : faire rentrer un nouveau process est très difficile.

En conclusion, on peut diviser la qualité en deux notions :

  • Qualité industrielle qui est objective et,
  • Qualité marketing qui est subjective.

Il y a encore beaucoup de questions en suspens et des challenges à relever :

  • Que fait-on des vins à défaut ? Besoin d’alerte quand dérive de la qualité vigne et Vin.
  • Quels sont les défauts qui ne supportent pas l’assemblage ? Lien avec la matrice ?
  • Conserver la variabilité des raisins ou mélanger ?
  • Mode de cueillette / adaptation aux variations climatiques
  • Social : besoin de globalisation
  • Economique : nécessité de vendre et de tout valoriser…
  • Accélération du temps : le juste à temps, l’immédiateté / on line-sensor / capteurs temps réel
  • Dimension cognitive tant du point de vue de l’œnologue que du buveur : que se passe t il dans sa tête ?
  • Notion d’identifiant de la qualité

Les enjeux de l’œnologie s’articulent autour de trois axes :

  • gérer les problèmes
  • comprendre la complexité technique, technologique et apprendre, développer ses savoir-faire…
  • créer et piloter la production d’un vin plaisir rentable

L’œnologue : médecin, ou designer du vin ?

Méthodes et outils de caractérisation :

Les données de l’enquête :

Elles sont résumées dans les figures ci-dessous.

Image Quelques points saillants :

  • L’analyse sensorielle ou la dégustation des baies, des moûts et des vins restent la démarche fondamentale du pilotage.
  • Le moût et le vin sont souvent analysés et suivis de la même façon.
  • Les laboratoires ou chercheurs cherchent à apporter des mesures automatisées.
  • Les méthodes d’analyses citées sont essentiellement réalisées en laboratoire sur des échantillons. Peu de méthodes non invasives en continu.
  • Peu d’informations sur les nouvelles méthodes (50 personnes sans avis).

Image Les attentes sont nombreuses :

Lors des échanges il a été rappelé que l’analyse est un outil d’aide à la décision, et non un acte décisionnel.

Pour la qualité des raisins des analyses non destructives peuvent être faites au vignoble ou lors de la récolte. D’autres mesures éco-physiologiques pourraient être envisagées ou sont déjà faites plus en amont pour décrire l’état physiologique de la plante ou cartographier une parcelle au plan zones de vigueur par exemple (voir gestion de la fertilisation ou des échantillonnages, etc.).

Parmi les paramètres éco-physiologiques, la mesure du Δ C13 est une méthode intégrative du potentiel de la vendange (reflet de la contrainte hydrique du vignoble). Elle s’effectue sur le sucre des moûts et se développe de plus en plus.

Pour la mesure des composés polyphénoliques, une méthode plus rapide que la méthode de Glories a été mise au point par la Société Bioenos (indice de maturité phénolique Cromoenos)et donnerait des résultats aussi performants.

Pour les moûts et les vins, la mesure de la teneur en acide citrique est une donnée intéressante pour apprécier la teneur en OTA (Ochratoxine A) des moûts. Le vin a une teneur classique de0,2-0,3g/l alors que la moisissure Aspergillus niger, comme tous les Aspergillus est un fort producteur d’acide citrique. Pour l’hygiène des moûts et les contaminations en levure, il peut être intéressant d’analyser les espèces non Saccharomyces qui ont un rôle dans le développement des arômes.

Pour les moûts et les vins, le laboratoire associé à l’université de Saragosse a la possibilité d’analyser les précurseurs d’arômes. M.P. Saenz-Navajas fait remarquer que la concentration en alcool supérieur des vins est intéressante à mesurer car elle interfère comme exhausteur ou inhibiteur de certains arômes ou défauts selon leur concentration. Ces alcools supérieurs sont donc des identifiants de la qualité.

La mesure de précurseurs aromatiques dans le raisin est réalisable mais elle ne peut pas encore être déployée « opérationnellement ».

L. Mercier indique que la liste des méthodes et outils d’analyse reprend les données de l’enquête : elle est certainement incomplète et demande à être amendée.

Les pistes à travailler / explorer : qu’est ce qui n’est pas fait en routine et qui demanderait à être développé ?

  • Analyses simples, rapides, non destructives, en ligne, déportées, coût abordable…
  • Nouveaux indicateurs / technologies (capteurs / chimiometrie,…) : lien avec mesures existantes, améliorer l’intégration dans différents contextes / environnements de production (améliorer les phases de calibration….)
  • Analyse des précurseurs aromatiques en routine ? Encore faut-il les identifier : caroténoïdes,…. ? Modélisation du potentiel aromatique ?
  • Mesures prédictives de la qualité du vin ? Potentiel de vieillissement ?
  • Mesure de l’acide citrique : intérêt pour l’Italie, l’Espagne, le Portugal (plus méridional)
  • Analyse de la couleur / des anthocyanes aux différents stades d’élaboration(Cromoenos,….) : intérêt de les doser dans les moûts ? non car beaucoup d’évolution durant la fermentation alcoolique (FA).
  • Existe- il des mesures opérationnelles de routine sur les tanins ? Sur le jus ?
  • Quels sont les critères d’échantillonnage pour mesurer la qualité : différents en fonction du stade : raisin, moûts, …
  • Présence d’allergènes dans le raisin ?
  • Quelles sont les analyses en routine incontournables ?
  • Peut-on corréler Botrytis et couleur ?
  • Etat sanitaire (Botrytis) : quel stade de développement / peut-on prévoir son évolution, sa nuisibilité ?
  • Etat sanitaire : détection rapide / non invasive / caractérisation physico-chimique fine ?
  • Intérêt de travailler en ratios : gluconique / glycérol / citrique pour qualifier l’état sanitaire ; alcool supérieur / autres molécules (phénomènes de masquage / démasquage selon la matrice….).

Le point de vue d’un laboratoire d’œnologie (Diœnos Rhône, Laboratoires Dubernet. M.Dubernet) :

La qualité des vins est une notion subjective qui est la résultante de deux catégories de facteurs : des facteurs naturels qui sont mesurables et des facteurs humains qui ne le sont pas.Dans ce contexte, l’analyse des défauts du vin nécessite d’avoir des spécifications du produit. Il constate qu’actuellement on sait améliorer la qualité des vins. L’œnologie à plusieurs niveaux d’intervention qui peuvent être représentés par cette « pyramide de l’œnologie » ci-après

Lien de la Vigne – Atelier d’automne 27/11/2015 – CNIV Paris10Les progrès de l’analyse des paramètres œnologiques expliquent aussi son développement au sein de la viticulture. En termes de mesures par opérateur et par heure on est ainsi passé de 10 dans les années 1970 à 1200-1400 dans les années 2010. Ceci a été obtenu en intégrant différents équipements comme les analyseurs séquentiels (venus du médical), l’IRTF (Infrarouge à transformation de Fourier) et maintenant les analyseurs séquentiels de deuxième génération.

Les possibilités d’analyse ont ainsi été multipliées par 120 en l’espace de deux générations.Ces capacités analytiques ont été accompagnées de la normalisation avec l’accréditation des laboratoires à la norme 17025 mais aussi du développement de nouvelles techniques d’analyse(contaminants, phytosanitaires, ochratoxine, allergènes, etc.).

Cependant, les défis auxquels l’œnologie doit faire face sont multiples et l’un d’entre eux est le changement climatique qui modifie les spécificités des vins. Le taux d’alcool potentiel augmente dans de nombreux vignobles du sud de la France, dont ceux du Languedoc-Roussillon et la teneur en K+ des vins diminue (problème de stabilisation de la couleur).

D’autres paramètres plus éco-physiologiques font désormais partie de l’arsenal du viticulteur pour le suivi de son vignoble (suivi de la dynamique d’azote par l’analyse pétiolaire, etc.).

La principale conclusion est que pour s’adapter et progresser, l’œnologie doit s’ouvrir à la multidisciplinarité.

Quelques questions à aborder ?

  • La capacité de réalisation des tests a été amplifiée par plus de 100 mais a-t-on un soutien aussi fort sur l’aide à la décision ?
  • Comment prédire la fragilité d’un vin? Sa sensibilité à l’oxygène ?

GC-Olfactométrie : arômes et œnologie (Université de Saragosse, Espagne, M.P. Saenz-Navajas) :

Le laboratoire a une base chimique et pour objectif l’analyse des arômes et de la flaveur des vins dans un souci d’améliorer leur qualité. L’aspect analytique des composés volatils est fait dans un laboratoire situé en Rioja. Des systèmes de détection sont développés au laboratoire notamment de détection chimique. Prendre en compte l’écophysiologie à ce niveau : « L’agro-œnologie met en évidence et étudie les liens entre la viticulture et l’œnologie, afin de donner une vision globale, cohérente, et méthodologique,nécessaire à la gestion et au pilotage des pratiques, du sol à la bouteille de vin. »

La perception des odeurs est traitée au niveau du cerveau et correspond à une des réponses innées (par exemple l’amertume est significative de danger, le sucré d’énergie) puis s’additionnent des expériences précédentes en relation avec cette ou ces odeurs. Enfin,l’odeur se voit attribuer un ton (une note???) hédonique (positif ou négatif). Par contre,certains types de consommateurs (experts) ont une évaluation analytique du produit. Il y a environ 40 composés aromatiques actifs au plan sensoriel dans le vin. Leur concentration varie du ng/l (10-9g/l) au g/l. Les nuances aromatiques résultent ainsi d’interactions de différentes perceptions.

D’autres composés peuvent interférer avec la perception des arômes. Les alcools supérieurs diminuent ainsi la perception des arômes fruités (fruits rouges notamment) mais augmente celles liées aux phénols volatils. Par ailleurs les arômes fruités diminuent la perception de l’astringence et de l’amertume et ceux épicés et vanillés augmentent celle du sucré.

Il y a aussi des interactions chimio-physiques avec des interactions de différentes volatilités des composés. Par oxydation, les aldéhydes forment par exemple des composés très stables avec le sulfite (S02). L’hydrogène sulfureux (H2S) forme aussi des complexes irréversibles avec les ions métalliques.

Les différentes études du laboratoire se concentrent autour de l’approche suivante :

Le laboratoire identifie et quantifie le « sensobolome »(A) puis essaie de comprendre le « transférome » (interactions entre l’espace sensoriel et le cerveau), puis les process cérébraux.

Parmi les équipements utilisés par le laboratoire on peut citer la GC-Olfactométrie, la GC-MS(aspects quanti et qualitatifs), l’HPLC-MS.

Les équipements analytiques permettent d’établir une liste quantitative puis une modélisation est faite et ensuite on essaie de reconstituer l’odeur. L’aspect reconstitution est important dans la démarche.

Le laboratoire a ainsi développé un test standardisé pour mesurer le caractère réducteur des vins et aussi pour leur caractère oxydatif : niveau de résistance à l’oxygène. Il y a des possibilités pour développer des modèles fonctionnels en anticipant par exemple la sensibilité de certains millésimes à l’oxydation précoce.

Des levures non Saccharomyces pour obtenir de nouveaux arômes ont aussi été sélectionnées.


Quels sont les prochains challenges pour le laboratoire :

  • Comprendre l’astringence.
  • Développer des standards et un vocabulaire pour décrire la teneur en bouche.
  • Investiguer le processus chimique de la réduction dans les vins.
  • Définir une méthode pour évaluer le vrai potentiel aromatique du raisin et sa qualité.
  • Définir la tonalité hédonique.

Perspectives biotechnologiques (A.C. Gomes, Biocant, Portugal par Skype) :

Comme déjà indiqué Biocant est une société de biotechnologie et de bio-marqueurs en santé humaine et en plante. Les techniques utilisées comprennent le séquençage des acides nucléiques NGS (Next Generation Sequencing), la spectrométrie de masse et le criblage à haut débit de phénotype. La société réalise aussi des empreintes microbiologiques et des analyses métagénomiques des communautés microbiennes. Elle utilise aussi des équipements de détection pour des identifications métaboliques ciblées (spectrométrie de masse ciblée ou non, spectrométrie de masse à haute résolution).

Des techniques d’échantillonnage sont développées pour les identifications métaboliques (par exemple pour les métabolites qui sont responsables de la conservation des aliments lors de la surveillance d’un process). L’électrophorèse capillaire est utilisée pour identifier les molécules à faible poids moléculaire. C’est le début du développement de cette technologie mais la société n’a pas d’idée particulière sur l’intérêt d’une telle technique.

Des sondes sont aussi disponibles : Biocant a actuellement un panel de 40 sondes disponibles pour détecter les bactéries et les levures.

Pour les moisissures, les études ont porté en premier sur la détection de celles associées aux maladies du bois de la vigne (Phaeomoniella chlamydospora, Phaeoacremonium aleophilum, Eutypa lata et quelques autres).

L’objectif est ensuite de s’orienter sur la détection des microorganismes du moût puis ensuite de la baie. Un travail sur les marqueurs métabolique est également envisagé : phases métaboliques / suivi dynamique / monitoring des fermentations….

Dans l’exemple ci-dessous, des comparaisons ont été réalisées entre moût / début FA / fin FA (en haut) ou entre mouts de différentes origines géographiques (en bas).

Des premiers essais ont également été réalisés au vignoble sur des grappes (9 clones,différentes zones de la grappe, différentes expositions (face du rang)) : les clones ne sont pasdistingués, par contre la position dans la grappe et l’exposition et la position sur le piedsemblent être discriminantes.

Le travail préliminaire qui consiste en l’acquisition de données en grand nombre est long(approche type Big Data).

Remarque : on retombe sur les problèmes liés aux mesures spectrales il faut maitriser la chimiométrie.

Le pilotage de la qualité et les possibilités d’intégration pour l’aide à la décision :

Le point de vue d’un intégrateur : du capteur à l’OAD (D. Lemaire et N. lambert, CEATech, France) :

Après une présentation rapide de la société CEA Tech (environ 2000 personnes dédiés audéveloppement de technologies hors celles liées à la défense ou au nucléaire), D. Lermaire a présenté des briques de technologies développées par CEA Tech et susceptibles d’être apportées à la filière. Il a aussi mis en avant le stade d’avancement de ces technologies (TRL1) variant du stade d’outil en développement à celui d’applicable à l’échelle industrielle.Différents exemples ont été présentés : capteurs multispectre allant jusqu’au Térahertz,capteurs miniaturisé (pH multi-ions, phénols volatils, etc…), capteurs mobiles… Le suivi de populations microbiennes en temps réel est aussi possible grâce à une technologie d’analyse d’image, Iprasens. Des capteurs de composés organiques volatils, de détection de pathogènes,d’électronique imprimée et d’intégration de fonctions miniaturisées dans des matériaux sont aussi disponibles

IN. Lambert a quant à elle abordé l’autre aspect de CEA Tech qui est le Data mining (extraction ou exploration de données). L’exemple présenté a été celui d’une application qui a été développée pour mettre au point les procédures de maintenance des batteries dans les voitures électriques (conseil expert). D’autres applications sont en cours en biologie par exemple pour déterminer des biomarqueurs pertinents en amélioration génétique. La récupération des « dires d’expert » constitue une phase importante de ces approches.

Pilotage de la qualité au vignoble : OAD et Big Data ou mégadonnées (S. Payen, FuitionSciences, USA) :

La société a développé un outil pour déterminer l’optimum hydrique de la plante pour assurer la qualité des vins élaborés à partir des raisins récoltés. Ces mesures produisent une avalanche de données. La solution proposée par Fuition part de la plante et établit des cartes et indices sur l’état physiologique de la vigne. Les identifications spatiales doivent permettre de déterminer les zones à problèmes. L’objectif est d’aboutir à un outil de visualisation des données utilisables par les experts. L’outil est utilisé en Californie (USA), en Languedoc-Roussillon et dans d’autres régions (France). L’approche est de type holistique et prend en compte les variabilités de terrain.

Concrètement, c’est la qualité de la donnée qui est essentielle (obtention de smart point ou« point intelligent »). Par la prise en compte d’informations spatiales sur plusieurs années(expression végétative (NDVI pour Normalized Difference Vegetation Index), vigueur ou résistivité des sols), on peut obtenir un zonage, c’est-à-dire, une structuration spatiale stable. Pour chaque Smart Point, on définit une population de 50 ceps (ceps référents) qui en assurent un échantillonnage représentatif. A partir de cet échantillonnage, différentes mesures / analyses permettent de comprendre le fonctionnement de la vigne dans son cycle végétatif(élongation des rameaux, niveau nutritionnel, niveau hydrique, rendement, maturité). Par exemple, l’application rendement doit prendre en compte des données telles que le nombre de grappes, le nombre de baies par grappe, le poids des baies.

Les données relatives à la parcelle agronomique sont reconstituées : dans l’exemple ci-dessus,la parcelle P13 correspond à la somme pondérée des Smart Points SP8, SP12 et SP14.

L’OAD (Outil d’aide à la décision) est un intégrateur de données multi-sources et multi-échelles. Il n’y a pas de solution miracle, l’outil doit croiser les données et les transformer en informations et actions à mener sur le terrain en fonction des objectifs de production.

Il y a changement de paradigme : modèle mécaniste modèle numérique / intelligence artificielle.

L’entreprise historiquement propose un outil pour mesurer en temps réel et en continu le déficit hydrique de la plante : il consiste en une mesure en continu du flux de sève par un capteur qui évalue la chute de température en deux points du cep. Des fils chauffent le tronc de la vigne en un point bas du tronc du cep et le Δ de température est évalué par une mesure sur un point plus haut. Cette mesure est traduite en un flux de sève et comparée à des valeurs

optimales, puis convertie en pourcentage. Par rapport à celui-ci, 60% correspond à un déficithydrique modéré et 40% à un déficit sévère. Le suivi spatiotemporel de l’état hydrique de la plante permet de mieux piloter l’irrigation : en Californie, maintien de la quantité et de la qualité du vin pour une économie d’eau de 60% en moyenne.

Des exemples de solutions intégrées :

Les capteurs du feuillage et des raisins, J-L. Ayral, Force A, France) :

Force A est une société créée il y a 10 ans qui applique des techniques de fluorescence sur les végétaux. Elle vend de l’information pour faire du diagnostic :

La vigueur optimale est un paramètre de mesure qui est évaluée par la teneur en azote des feuilles déterminée par la pince Du alex à la floraison ou à la fermeture de la grappe. Si la valeur mesurée x est inférieure à 2,2% on a une faible vigueur et si x est supérieur à 3,2% on a un excès de vigueur. Pour une vigueur optimale de la vigne, la valeur de x doit donc être : 2,2% < x < 3 ,2%. La vigueur ou NBI (Nitrogen Balance Index) x la densité foliaire donne l’absorption en N. Ces outils peuvent permettre une aide à la taille / fertilisation.

La Société propose aussi le suivi des bois de taille via le capteur Physiocap (développé par la CIVC) pour piloter la taille et la vigueur.

Autre outil de mesure développé par la société, le capteur Multiplex qui est utilisé pour faire des mesures à la volée et cartographier le vignoble. Ainsi, pour la phase d’appréciation de la maturité phénolique des raisins on évalue la teneur en anthocyanes des raisins qui varie à la parcelle de 18 à 20%. Les mesures sont faites au Multiplex et sont géo-référencées. Par des mesures sur deux ans, on peut évaluer les zones de qualité premium en fusionnant vigueur et contenu en anthocyanes.

Pour les vendanges, l’équipement Force A permet de déterminer la courbe de maturation.Pour connaître la manière d’optimiser les précurseurs aromatiques, Force A mesure la teneur en azote des baies et évalue ainsi le risque de carence azotée des moûts.

D’autres indices sont en développement sur les aspects risques de maladies. Le capteur de fluorescence Multiplex permet aussi de détecter les molécules de défense des plantes telles que les stilbènes. En effectuant ces mesures, on est capable de détecter le mildiou sur la vigne avant que les symptômes apparaissent.

Le point de vue d’un équipementier (M. Pascal Noilet, Vaslin Bucher, France) :

Historiquement, la société a équipé ses pressoirs de capteurs, en premier pour mesurer pression et débit (rendement), puis pour des questions de sécurité. Des capteurs qualitatifs sont ensuite apparus : sélection des jus par conductivité, analyse d’image pour éliminer les débris végétaux lors de la vendange.

En intégration verticale, les capteurs sont insérés pour mieux gérer le pressurage (une machine/ un capteur).

Il n’y a pas actuellement d’intégration transversale / horizontale avec plusieurs capteurs qui dialoguent entre eux.

Ainsi au pressoir, les capteurs type conductimètres sont peu utilisés pour piloter la qualité(10% seulement).

Pour l’équipementier, le choix des capteurs doit permettre d’aboutir à une information pertinente, fiable et répétable.

Le capteur doit en outre apporter un retour sur investissement.

L’équipementier a une crainte, celle de complexifier le processus et de donner des informations qui ne sont pas comprises par l’opérateur.

Des progrès restent à faire : par exemple, l’ Isobus courant dans le monde agricole n’existe pas encore dans le monde viti-vinicole.

De plus apparaît un problème de gestion de données et de partage de l’information : à qui appartiennent les données ?

Quelques challenges à relever :

  • Comment travailler ensemble et se comprendre sur des métiers si différents ?
  • Assurer un suivi dynamique
  • Comment choisir l’échantillonnage et le modèle référant
  • Développer des capteurs d’événements : assemblage, Op unitaire…- Développer des mesures « écophysio » sur la vigne (capteur bois de taille, expression végétative, observations / suivis…)
  • Doter les techniciens d’OAD issus de Big Data ….

Conclusions :

La maturation 2.0 de la vigne au moût !

Pour V. Chaperon, des initiatives et des actions sont en cours sur le domaine de la qualité des vins et son pilotage. Des éléments de mise à niveau ou d’actualisation des techniques sont présents. Le moment est donc venu d’intégrer les initiatives individuelles et de développer des programmes d’action :

  • Une plateforme de test et d’intégration de capteurs pour piloter la maturation du raisin…
  • Les capteurs au service de la qualité de la filière / vers une solution intégrée et robuste de caractérisation automatique pour un passage en routine

Partager cette publication
Laissez un commentaire